martes, 15 de septiembre de 2015

Vingt quatrième dimanche 2015

Esaïe 50, 5-9a
Psaume 115 (114)
Jacques 2, 14-18
Marc 8, 27-35

Le passage d’Évangile que nous venons d’entendre constitue un tournant dans l’évangile de Saint Marc. Jusqu’alors le récit exprimait le bonheur. Malgré l'une ou l'autre manifestation de méfiance et d’hostilité de la part des scribes et des pharisiens, l’Évangile jusque là ressemblait à une marche triomphale... On dirait que tout va bien pour Jésus et sa mission. Les foules accourent de partout : de Galilée, de Judée et de Jérusalem, de la côte du Liban et de Transjordanie. Des foules qui ont reconnu d’instinct dans les paroles et dans les gestes de Jésus quelque chose de divin, quelque chose de fort et, en même temps, de doux et de tendre. À son contact, les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, et les paralysés marchent. C’est le printemps du Royaume de Dieu.

Alors, quand Jésus pose à ses apôtres la question de confiance : « Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je ? »,(v.27) la réponse sort de la bouche de Pierre : « Tu es le messie. »(v.29). Ce n’était pourtant encore qu'un premier pas sur le chemin de la foi. Reconnaître en Jésus le Messie, l’homme rempli de Dieu, n’était certes pas facile. Mais ce n’est qu’un premier pas, parce que reconnaître que Jésus vient de Dieu, se prononcer sur son origine, ne dit pas encore où il va ni comment il y va. A l’écoute des paroles de Jésus, à la vue de ses signes, Pierre a su reconnaître l’origine divine de cet homme unique.

Mais c’est précisément le moment que Jésus choisit pour leur donner un enseignement: «"Et pour la première fois, il [Jésus] leur enseigne qu'il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup..» Il "faut" : l'expression désigne dans les Evangiles la nécessité pour Jésus de se conformer au dessein de salut du Père. Nous sommes ici devant le Mystère de la Rédemption; nous pouvons seulement dire que Dieu ne veut pas la souffrance, mais que cette violence, ce péché, qui sont le fait des hommes, il va les transformer en puissance de vie et de salut: "Il est proche, celui qui me justifie", qui me rend juste, qui me sauve, lisions-nous dans la Première lecture.

Cela éclaire aussi la fin de l'Evangile. Jésus propose à celui qui veut être son disciple: "il ne doit plus penser à lui-même, il doit porter sa croix et me suivre." Programme qui paraît affaire de douleur, de tristesse... mais «perdre sa vie» ne signifie pas nécessairement le martyre. La "perdre", Ne plus penser à soi-même) c'est la donner aux autres, perdre sa vie à cause de moi et de la Bonne Nouvelle, il la sauvera. Il nous faut donner notre vie aux autres, au jour le jour, donc la "sauver".

Oui, il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Et Pierre n’est pas encore capable d’accepter ces mots qui lui proposent de fairer un deuxième pas obligé.

Pierre...

*Il veut bien d’un dieu qui parviendrait à supprimer ou à éviter la souffrance et la mort, mais pas d’un Dieu qui ressuscite après en avoir été lui-même victime.

*Il veut bien d’un dieu qui parvienne à s’imposer aux anciens, aux chefs des prêtres et aux scribes, mais il ne veut pas d’un Dieu qui soit rejeté, défait et finalement tué par eux.

*Il veut bien d’un dieu qui soit le maître des lois de la nature et de l’histoire, et qui manifeste sa toute-puissance par des miracles spectaculaires, mais il ne veut pas d’un Dieu qui soit soumis comme tous les hommes aux lois de la nature et de l’histoire, et qui manifeste sa puissance par une résistance étonnante de l’amour et de la confiance à l’intérieur de la souffrance...

Alors Pierre prend Jésus à part, et lui fait de vifs reproches. La riposte de Jésus a quelque chose de « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
très dur et de brutal :

Autrement dit : « Pierre, ton image de la toute-puissance de Dieu est celle d’un homme, mais elle ne correspond pas à la puissance que Dieu lui-même choisit d’avoir. Ton espoir d’échapper à la mort et de l’emporter sur nos adversaires te fait rêver d’une victoire par la violence, mais ce rêve est une caricature du Salut de Dieu, et cette caricature a quelque chose de satanique. » Le Salut de Dieu ne consiste pas à supprimer la souffrance, la mort et la haine par la force ou par un coup de baguette magique.

La foi de Pierre ne deviendra totale qu’à l’heure où il acceptera de répondre non seulement à la question « D’où vient Jésus ? » mais aussi aux questions « Où va-t-il ? » et « Par quel chemin ? » Bien entendu, il ne suffit pas de « répondre », il faut aussi suivre. C’est là le seul moyen de sauver notre vie si fragile et provisoire, qui se heurte au mur d’une mort inévitable.

Nous avons le devoir évident et urgent de lutter de toutes nos forces et de toute notre intelligence contre le mal, l’injustice et la souffrance... mais sans jamais oublier que nous ne pourrons pas éviter de mourir.

Entrer dans la mort avec le Christ c’est la traverser avec lui. C’est, avec lui, par « le ravin de ténèbres » (psaume 22), ne craindre aucun mal et déboucher dans la vie éternelle.





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