lunes, 10 de noviembre de 2014

Tous les chemins mènent au séminaire

Rassemblement des séminaires français
Lourdes 8 – 10 novembre 2014
(La Croix, 08/11/14)

Le rassemblement des séminaristes français à Lourdes, qui commence samedi 8 novembre, est une première depuis près de treize ans.


Des jeunes du séminaire de Lille se rendent en cours. Origine sociale, expérience professionnelle ou parcours de foi… Les profils des futurs prêtres sont très différents mais « ce qui les caratérise tous, c’est qu’ils connaissent tous la société et l’Église », affirme le supérieur d’un séminaire.

Ces dernières années, les formateurs sont frappés par la diversité des profils qu’ils rencontrent chez les candidats au sacerdoce.

« Mes grands-parents étaient croyants mais ne pratiquaient pas. Mes parents ont reçu les sacrements de l’initiation, et se sont mariés à l’Église. Mes deux sœurs et moi avons tout juste été baptisés. Et finalement, je me destine à devenir prêtre… »Nicolas Boucée a 24 ans. Séminariste en quatrième année pour le diocèse de Chartres, le jeune homme doit sa foi à ses liens avec sa grand-mère paternelle. « Ce sont d’abord mille petits signes qui m’ont frappé : il y avait un crucifix au-dessus du lit ; à Noël, il lui arrivait d’inviter un inconnu à partager notre dîner. »

À l’adolescence, l’aumônier du lycée privé où il est scolarisé lui propose de participer à la catéchèse, et quelques mois après, le jeune homme fait sa profession de foi. Dans le village de 1 300 habitants où la famille est établie, il commence à se rendre seul à la messe, tous les dimanches. Peu à peu, il se fait accompagner par un directeur spirituel, puis s’investit dans sa paroisse. Sitôt son bac en poche, il veut entrer au séminaire, mais le vicaire général de son diocèse lui demande d’abord, « par souci de liberté », d’obtenir un diplôme. Ce qu’il fera l’année d’après en passant un BTS sanitaire et social, avant de finalement rejoindre les candidats au sacerdoce.

Atypiques il y a vingt ans, des profils comme celui de Nicolas ne sont plus si rares aujourd’hui dans les séminaires français. Cependant, impossible de dire que les jeunes hommes venant de familles éloignées de l’Église constituent la majorité des futurs prêtres.

Qui sont les séminaristes français ? 750 d’entre eux, soit la quasi-totalité de ceux formés en France, doivent se réunir à Lourdes entre le samedi 8 et le lundi 10 novembre, en marge de l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France. « Quarante-huit heures d’échanges et de prières » entre tous les candidats au sacerdoce : une première depuis près de treize ans. L’occasion de brosser le portrait d’une génération, alors que l’intérêt porté à la série « Ainsi soient-ils » dont la deuxième saison a été diffusée sur Arte en octobre, semble contrebalancer l’effacement progressif des prêtres dans le paysage.

Difficile donc de se livrer à l’exercice du portrait-robot : « Au total, ils sont peu nombreux, et répartis dans 35 maisons de formation. Il n’est pas aisé d’en déduire une typologie. À ce stade, chacun est un cas particulier », affirme le P. Didier Noblot, directeur adjoint du service pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations de l’épiscopat. Il n’existe aucune étude précise et récente sur le profil des séminaristes français. La dernière enquête de la Conférence des évêques de France à partir d’un questionnaire soumis aux séminaristes de première année date de 2008.

Elle révélait notamment que les candidats franchissaient la porte du séminaire en moyenne à 27 ans, la moitié d’entre eux après avoir déjà travaillé, et qu’un quart d’entre eux étaient nés en région parisienne. En moyenne, ils venaient de familles de quatre enfants, le milieu ouvrier étant sous-représenté. Sept sur dix avaient des parents impliqués dans l’Église, et trois sur quatre avaient déjà connu un engagement dans l’Église. Plutôt de formation scientifique, 60 % avaient au moins un niveau de ¬licence. Or, en six ans, les origines sociologiques et ecclésiales des séminaristes français n’ont sans doute pas changé du tout au tout.

« GLOBALEMENT, IL Y A UNE TENDANCE AU VIEILLISSEMENT DES CANDIDATS »

Au-delà des chiffres, deux situations se dégagent dans les maisons de formation. D’une part, des jeunes choisissent de s’attacher à un diocèse particulier, et rejoignent des séminaires interdiocésains dont les supérieurs soulignent la diversité des futurs prêtres. D’autres, attirés par une Église à l’identité plus affirmée, choisissent une formation soit en rejoignant une communauté, comme la communauté Saint-Martin, soit parce qu’ils s’attachent au charisme d’un évêque particulier, comme Mgr Dominique Rey à Toulon ou Mgr Marc Aillet à Bayonne.

« Globalement, il y a une tendance au vieillissement des candidats », esquisse le P. Jean-Michel Amouriaux, supérieur du grand séminaire Saint-Yves, à Rennes, qui forme les futurs prêtres de quatre diocèses bretons. Au fil des années, il constate un « éclatement des profils ». « Autrefois, on pouvait dire que 20 % étaient originaires de tel ou tel mouvement. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. » Les huit derniers séminaristes entrés à Rennes depuis deux ans ne sont d’ailleurs quasiment pas passés par les mouvements. « Ce sont vraiment des produits du terreau paroissial. » De même, selon ce formateur, qui accueille 19 séminaristes, peu de jeunes entrent au séminaire par l’intermédiaire du Renouveau charismatique, « qui s’est affaibli ces dernières années ».

CES FUTURS PRÊTRES ENTRÉS AU SÉMINAIRE APRÈS AVOIR ENTAMÉ UNE CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

Amaury de la Motte Rouge n’a jamais été membre d’aucun mouvement d’Église. Sa famille, catholique pratiquante – père ingénieur dans les télécoms, mère au foyer –, lui a surtout permis de faire mûrir sa foi dans sa paroisse. À 42 ans, il est emblématique de ces futurs prêtres entrés au séminaire après avoir entamé une carrière professionnelle. « J’ai eu une vie assez longue avant d’entrer au séminaire », résume-t-il. Cet ancien cadre dans l’industrie alimentaire a attendu 40 ans avant de franchir les portes du séminaire de Nantes, préférant le diocèse du Mans, où il vivait et travaillait depuis quinze ans, plutôt que la région parisienne, où il a pourtant vécu toute son enfance.

Mais l’âge ou la mobilité géographique ne constituent pas les seules disparités. « Je suis frappé par la très grande diversité des parcours, qui se traduit par de vraies différences de maturité, insiste le P. Olivier Michalet, supérieur du séminaire interdiocésain d’Orléans. Cependant, ils ont une vision floue du ministère de prêtre diocésain, lorsqu’ils arrivent chez nous. » Malgré tout, il souligne le risque de voir poindre « une génération tentée de s’accrocher à une identité forte tout en ayant une base fragile ». « Beaucoup ont travaillé, ont connu une autonomie salariale, professionnelle et affective. Certains viennent de familles chrétiennes pratiquantes, d’autres non. Ce qui les caractérise tous, c’est qu’ils connaissent tous la société et l’Église. »

En formation pour le diocèse de Quimper, Joseph Coste, 32 ans, issu d’une famille de dix enfants, relativise les contrastes. « Nous avons tous les mêmes attentes, et suivons tous plus ou moins la même formation. Certes, les colorations peuvent être différentes d’un séminaire à l’autre, mais le programme est le même. Entre nous, les divergences ne sont pas si importantes que cela. »

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LES SÉMINARISTES EN France

En 2014, 848 séminaristes sont en formation en France, dont 371 en 1er cycle et 477 en 2e cycle ; 136 ont commencé une première année du premier cycle à la rentrée 2014, et 83 se sont formés dans un séminaire français pour un diocèse étranger ou pour un institut religieux.

Les maisons de formation qui accueillent le plus de séminaristes sont la communauté Saint-Martin (95 séminaristes), le diocèse de Paris (88), et le séminaire Saint-Cyprien de Toulouse.

Par ailleurs, 109 jeunes hommes participent à une année de discernement, dans l’une des 13 maisons de propédeutique.

Le territoire français compte plusieurs séminaires interdiocésains (Lille, Issy-les-Moulineaux, Rennes, Caen, Nantes, Orléans, Gradignan, Aix-en-Provence, Toulouse, Lyon, Nantes et Metz). Plusieurs diocèses, comme Paris, Bayonne, Ars et Fréjus-Toulon, disposent de leur propre centre de formation. Par ailleurs, des séminaristes de plusieurs diocèses sont également en formation à Bruxelles et Rome.

Loup Besmond de Senneville



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