Canonisation de Mère Teresa
Sagesse 9, 13-18
Psaume 90 (89)
Philémon 9b-10.12-17
Luc 14, 25-33
Comme c'est en ce dimanche qu'est déclarée Sainte,(canonisée) Mère Teresa par le Pape François, au Vatican, je crois qu'elle est un modèle de Charité, de Don de soi: ce que l'Évangile d'aujourd'hui nous invite à vivre. Et il faut dire que c'est encore un Évangile bien difficile! Difficile à comprendre, et aussi difficile à vivre
L'amour, ce n'est pas n'importe quoi. Il a ses exigences, et il nécessite des choix; il oblige à prendre des risques. Il pousse à faire des folies pour celui, pour celle qu'on aime. Saint Paul parlera justement de la "folie de la croix". Celle du Christ, par amour pour nous; la nôtre, si nous voulons marcher avec lui. Les gens raisonnables qui suivaient Jésus pensaient d'abord à eux (à leur intérêt, aux profits qu'ils retireraient de l'opération), et non à suivre inconditionnellement celui qui marchait vers la mort. Ils s'aimaient eux-mêmes, mais ils n'aimaient pas suffisamment le Maître. C'est pourquoi Jésus leur conseille de s'assoir, de réfléchir avant d'entreprendre quoi que ce soit. Sinon, ils iront au-devant de graves désillusions.
Luc, en rapportant ces paroles de Jésus, pensait aux chrétiens de sa génération (des années 80 +/-). Beaucoup d'entre eux avaient fait un choix radical en devenant chrétiens.
Le jeune juif devenu chrétien avait sans doute été rejeté par sa propre famille comme un hérétique.
Le jeune païen avait dû rompre, non seulement avec sa famille, mais avec tout son environnement social et culturel. Et ces ruptures étaient sans doute très douloureuses. Elles pouvaient entraîner, non seulement un rejet de la part de l'entourage, mais peut-être la ruine, et parfois la mort. Certains, sans doute, avaient reculé et parfois même renié leur foi. Il n'était donc pas inutile de rappeler fortement la mise en garde du Christ : « Attention, marcher avec moi, cela exige des choix difficiles. Il vaut donc mieux commencer par s'asseoir et réfléchir, avant de se lancer dans l'aventure ».
Jésus ne propose pas de cesser d'aimer, mais de le "préférer”, lui (v.26). Dieu est Amour, et en Jésus, nous voyons l'Amour à l'oeuvre ; aussi, le "préférer", c'est apprendre à aimer, à aimer vraiment (ce que nous savons si mal faire), de l'amour même de Dieu, gratuit, humble, respectueux. Alors, dans cette "préférence" pour le Christ, qui nous libère de l'égoïsme, qui nous fait vivre de lui, chacun pourra aimer en vérité "son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs"- et même "sa propre vie", (v.26) mais comme un don reçu de Dieu, qu'il peut offrir aux autres, de même que Jésus a offert la sienne
Cela ne diminue pas l'exigence de Jésus, sa radicalité, au contraire. Car, pour en arriver au véritable amour, ou plutôt pour seulement essayer d'y parvenir, il faut passer par bien des renoncements, et pas seulement sur le plan matériel. Il faut toute une transformation intérieure, et poser bien des choix, grands ou petits, mais souvent crucifiants. De nos jours, cela peut être très concret, dans une société où les tentations de tous ordres sont présentes au grand jour, incompatibles souvent avec les valeurs chrétiennes. C'est pourquoi "celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut pas être mon disciple." (v.33)
Et nous, qui sommes des chrétiens-chrétiennes de longue date, nous qui avons été élevés dans une religion qui s'est transmise de générations et générations. Nous qui sommes, dans la plupart des cas, catholiques parce que nos pères étaient catholiques. Nous qui pratiquons cette religion du mieux que nous le pouvons... C'est à nous que, ce matin, le Christ s'adresse. Et qu'est-ce qu'il nous demande ?
De passer de la religion à la foi. C'est-à-dire, d'une religion de tradition à une démarche personnelle : l'adhésion à une personne, Jésus-Christ. Et pour cela, «de nous asseoir, de calculer, de voir si nous sommes prêts à payer le prix,» (v.28) à opérer les ruptures nécessaires. Reconnaissons que ce choix, nous ne le faisons jamais franchement. Renoncer à tout pour le Christ ? Le préférer à tout ? Nous avons peur de perdre, de nous perdre. Et cela parce que nous ne faisons pas assez confiance à Dieu, à sa parole.
Au fond, nous confondons "croire" et "réciter le Credo".
Mais croire, c'est engager sa vie. C'est déplacer la confiance : au lieu de faire confiance, en priorité, à ce que nous avons, à ce que nous sommes, à nos relations, c'est faire d'abord confiance à Dieu. C'est cela la vraie sagesse dont parlait la première lecture. Au fond, le Christ nous invite à la rencontre, et la première question qu'il faut nous poser est celle-ci «Est-ce que, pour moi, le Christ est une personne qui compte dans ma vie ? »
Nous avons de la chance: nous vivons dans un milieu et à une époque où le christianisme de tradition n'est plus guère possible. Et même si, souvent encore, on naît chrétien, la vie et l'environnement social se chargent bien de nous amener à choisir d'être chrétien ou de ne pas l'être, de vivre en chrétiens ou de vivre comme tout le monde. L'acte de foi, comme l'amour sont des actes de notre liberté. Et c’est tant mieux.
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