(8 décembre 2015 - 20 novembre 2016).
Au seuil de la troisième année de son pontificat, François a créé la surprise avec une initiative inattendue le 11 avril dernier : un « Jubilé de la Miséricorde ».
Pour bien comprendre ce que le Pape François a voulu en instaurant cette année de la Miséricorde, il faut nous rappeler une phrase de "la Joie de l'Évangile" ( EG No 24):
"L'Eglise a un grand désir d’offrir la miséricorde, fruit de l’expérimentation de l’infinie miséricorde du Père et de sa force de diffusion". Soit dit en passant, le mot miséricorde apparaît 29 fois dans la Joie de l'Évangile
Quelques jours après son élection, en 2013, il disait:
"Ressentir la miséricorde, ce mot change tout. C’est ce que nous pouvons ressentir de mieux : cela change le monde. Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. Nous avons besoin de bien comprendre cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui a une telle patience...
« Personne ne peut être exclu de la miséricorde de Dieu (…) L’Église est la maison qui accueille tous. »
Souvenons-nous du prophète Esaïe, qui affirme que «même si nos péchés étaient rouges écarlates (1,18), l’amour de Dieu les rendra blancs comme neige.» C’est beau, la miséricorde !
Et il a continué dans ce sens...
Pendant l’Angélus du 11 janvier 2015, il a affirmé : « Il y a tellement besoin, aujourd’hui, de miséricorde et il est important que les fidèles laïcs la vivent et l’apportent dans les différents milieux de la société. En avant ! Nous sommes en train de vivre le temps de la miséricorde : c’est maintenant le temps de la miséricorde ».
De plus, dans son message pour le carême 2015, le Pape écrit : « Combien je désire que les lieux où l’Église se manifeste, ainsi que nos paroisses et, spécialement, nos communautés, deviennent des îles de miséricorde au milieu de la mer de l’indifférence ! »
Il veut une miséricorde appliquée, dans l'Église et dans le monde qui voit là un besoin urgent: « Nos sociétés sont sans pitié. Chacun défend ses droits. Le système capitaliste également est sans pitié. »
Sans cesse, le pape François rappelle le besoin de se convertir, d’attendrir son cœur, de ne « pas avoir peur de pleurer ». Sans cesse aussi, il s’inquiète du niveau de cruauté dans le monde. En Italie, il a pressé les mafieux à changer de vie. Dans l’Église, sa réforme de la Curie se veut en priorité spirituelle, à travers un examen de conscience…
Au-delà, le jubilé tend aussi une main à tous ceux qui se sentent exclus de l’Église,
Objectif de cette année sainte
Le Pape souhaite donc que ce jubilé se déroule à Rome et dans les Églises locales, ce qui demande de porter attention à la vie de toute l'Église, ainsi qu’aux exigences locales.
Pour la première fois dans l’histoire des jubilés, il y aura la possibilité d’ouvrir une Porte de la Miséricorde dans chaque diocèse, (pour nous à St-Ambroise à Yarmouth) dans la co-cathédrale, dans une autre église importante ou dans un sanctuaire fréquenté par les pèlerins".
Et mercredi le 18 janvier, il disait en parlant de la Porte:« Que les familles chrétiennes fassent du seuil de leur maison un grand signe, à leur mesure, de la Porte de la Miséricorde et de l'accueil de Dieu. C'est de cette manière que l'on devra reconnaître l'Église par toute la terre.». Il veut donc ramener l’Église à sa mission prioritaire, celle d’être le signe et le témoignage de la miséricorde en tous les aspects de sa vie pastorale.
Je pense, aussi, à l’appel que le Pape a lancé au judaïsme et à l’islam dans le but de retrouver, sur le thème de la miséricorde, la voie du dialogue et du dépassement de nos divergences...
Le Mercredi des Cendres le Pape a don, né mandat aux prêtres, d’être missionnaires de la miséricorde, d'être des prêtres patients, aptes à comprendre les limites des hommes et des femmes, mais prêts à exprimer le souffle du Bon Pasteur, aussi bien dans leur prédication que dans la confession"...
Mais avant d'aller plus loin, Qu'est-ce que la miséricorde?
Le mot "miséricorde" c'est le cœur profond, les "entrailles" qui frémissent sous le coup de la douleur et de la peine. Quel père ou mère n'a ressenti cela en sachant son enfant malade, perdu ?
La miséricorde apparaît donc comme l'attachement profond d'un être pour un autre et particulièrement de Dieu pour l'être humain. Dans notre vie, Dieu souffre avec nous, il est bouleversé par nos malheurs, nos souffrances et notre condition d'hommes et de femmes pécheurs. Dans un grand mouvement d'amour pour nous, il nous manifeste sa tendresse, nous aide concrètement dans nos vies, nous témoigne sa "miséricorde", nous pardonne nos manquements, nos faiblesses, nous envoie son Fils.
Dans le Nouveau Testament, Jésus nous invite à faire de même envers nos frères: "Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux". (Luc 6,36) C'est l'une des conditions de la vie éternelle
Le sacrement
Dans notre vie de foi, c'est au travers du sacrement de réconciliation en particulier que nous percevons la miséricorde de Dieu et plus largement dans la prière et les différents sacrements dans lesquels est communiqué le don de Dieu. Le pardon de Dieu nous remplit de joie et d'allégresse, nous redonne la paix. Mais ce n'est pas tout. Dieu nous manifeste aussi son attachement, sa miséricorde, au travers de personnes, d'événements concrets, de rencontres, qu'il faut savoir relire dans sa vie.
Explication de la devise et du Logo
Le Pape a aussi voulu une devise et un logo pour l'Année Sainte. Ils représentent, je dirais, toute la théologie de la miséricorde.
1.Tirée de Luc 6, 36, cette devise « Miséricordieux comme le Père» propose de vivre la miséricorde à l’exemple du Père, qui demande de ne juger ni condamner, mais de pardonner, d'offrir amour et pardon sans mesure .
«Soyez miséricordieux comme aussi votre Père est miséricordieux».
2. Le logo exprime l’amour du Christ qui a chargé sur ses épaules l’homme égaré.
Le dessin tend à faire comprendre que le Bon Pasteur touche en profondeur la chair de l’homme et de
la femme et qu’il le fait avec un tel amour qu’il lui change la vie. Il y a également un détail qui ne peut pas échapper à l’attention: Avec une miséricorde infinie, le Bon Pasteur charge sur lui l’humanité... Le Christ voit par les yeux d’Adam et celui-ci par les yeux du Christ. Chaque homme découvre ainsi dans le Christ, nouvel Adam, son humanité et le futur qui l’attend.
Cette scène se situe à l’intérieur d'une mandorle (i.e. d'une figure géométrique dessinée à l'aide de deux cercles. À l’intersection de ces deux cercles est installée une personne. Elle indique donc la personne par laquelle il faut passer pour parcourir le chemin entre les deux cercles, les deux hémisphères ou les deux mondes, l'un terrestre et l'autre céleste. L’implantation du Christ dans ce mandorle préfigure ainsi le passage des vivants du monde terrestre au monde céleste.
Si des moments forts sont prévus à Rome durant toute l’Année sainte, il en sera ainsi dans notre diocèse, à travers des « Portes Saintes », l’envoi de « missionnaires de la Miséricorde » et la marque de « signes jubilaires » et ensemble nous allons vivre ce temps de grâce.
Pendant le Jubilé, les lectures pour les dimanches du temps ordinaire seront tirées de l'année C, l’Evangile de saint Luc, « l’évangéliste de la miséricorde ». Dante Alighieri le qualifia de « scriba mansuetudinis Christi », « narratore della mitezza del Cristo ». Sont très connues, dans l’Evangile de la Miséricorde de Luc, les paraboles: la brebis égarée, la drachme perdue, le père miséricordieux.(Luc 15).
« Au début de cette Année de la miséricorde, prions le Seigneur de nous aider à comprendre comment est son cœur, ce que signifie "la miséricorde", ce qu’il veut dire quand il dit : "Je veux la miséricorde, et non le sacrifice". C’est pourquoi, pendant la messe, nous aimons tellement prier avec cette si belle phrase : "Accorde-nous Ta miséricorde", pour que nous comprenions que la miséricorde de Dieu a été versée sur nous, sur nos péchés, sur nos misères ... »
Pierre Drouin, c.j.m.