On peut dire que la naissance de cette messe en français est un vrai coup de la Providence !
Fraîchement arrivée à Bogota pour mon VIE (Volontariat International Eudiste), j’ai rencontré Caroline, une amie d’amis des eudistes en France. Caroline est une jeune maman de deux enfants qui se demandait alors comment faire pour que, ses enfants qui ne comprennent pas l’espagnol puissent suivre une catéchèse et, en cohérence aller à une messe où ils “comprennent”. Au cours de notre discussion, je découvre que sa préoccupation est finalement celle de plusieurs familles car il n’y a pas de messe en français à Bogota. Certes, il existe une communauté qui se retrouve une fois par mois pour une messe en espagnol, et ensuite partager un pique-nique. Mais j’entends bien que “la messe en français ce serait génial” !
J’apprends ensuite qu’une catéchèse en français a pu prendre forme grâce à trois mamans qui ont eu l’audace et le courage d’aller de l’avant. Elles construisent leur parcours à l’aide d’internet et des documents qu’elles ont apportés de France mais avouent que même si elles ont déjà fait de la catéchèse avant, elles aimeraient bien pouvoir être coachées de temps en temps par un prêtre, proposer le sacrement de réconciliation, se confesser soi-même… et puis la question se pose de “la première communion des enfants qui ont quitté la France trop jeunes pour la recevoir et pour qui le désir vient, même en temps d’expatriation, parce qu’ils grandissent dans des familles où c’est important” … “comment leur permettre de vivre cette étape alors qu’ils ne comprennent rien à la messe en espagnol ?”, “comment rejoindre les familles françaises qui ne vont plus à la messe le temps de l’expatriation sous prétexte du barrage de la langue ?”. Peut-être que dans les couples franco-colombiens de plus en plus nombreux, certains aimeraient se préparer au mariage en français ?
Entendant tout cela : l’appel et même le désir d’une communauté, de vraies questions pastorales, un souci d’évangélisation,
j’ai spontanément pensé aux eudistes ! Après tout, la Congrégation est d’origine française. Je sais que parmi les pères de la Province du Minuto comme ceux de la Province de Colombie plusieurs parlent français. Répondre à un tel appel en commençant par célébrer la messe en français une fois par mois, ce n’est pas si lourd et c’est même très eudiste. Deux ou trois échanges de mails plus tard et me voilà bien « trait d’union »… et c’est parti !
Valmaria, au Coeur des quartiers où vivent les expatriés français, devient rapidement le lieu idéal pour la célébration. P. Carlos Torrez, comme Supérieur du séminaire, autorise même le pique-nique post-eucharistie dans le jardin ! La première est alors fixée pour démarrer l’année liturgique, au premier dimanche de l’Avent 2015. Grâce au réseau Whatsapp la nouvelle se répand à vitesse grand V dans le milieu francophone de Bogota, une réunion de préparation de messe est lancée chez les uns, puis une répétition des chants chez les autres. Père Jules Amagnon qui, providentiellement accompagne précisément cette année le TEPE à Valmaria et pour qui le français ne pose aucun problème devient rapidement l’eudiste désigné pour présider et prêcher. Les séminaristes français et africains en attente du lancement du TEPE semblent heureux de donner leur contribution aussi.
Ces messes sont des messes qui prennent leur temps. Les enfants, très nombreux, y ont toute leur place, sur les bancs de devant, et les catéchistes se creusent vraiment la tête pour qu’à chaque célébration, les plus jeunes puissent apporter leur contribution lors de la procession des offrandes. Pas d’aube pour eux ? Ce n’est pas grave les jeunes garçons peuvent quand même apprendre à servir sous l’égide des séminaristes et la bienveillance des pères. Une famille colombienne qui a participé à l’une de nos célébrations m’a dit “c’est formidable la place que vous laissez aux enfants et tout ce que vous leur faites faire pendant la messe” ! Alors que je regarde beaucoup les pratiques colombiennes en cette période de volontariat en Colombie, cela m’a fait rire de voir que des colombiens pouvaient aussi apprendre de nos pratiques françaises, dans leur propre pays !
Au jour de la première messe, P. Jules me demande combien d’hosties préparer et je lui réponds selon l’estimation qui m’a été donnée “On m’a parlé d’une vingtaine de famille au maximum ; donc une cinquantaine d’hosties devraient largement suffire”…. Autant vous dire notre surprise lorsque nous nous sommes rendus compte que c’est finalement le double qui a été nécessaire ! Et chaque fois les familles reviennent.
Ma joie comme associée, c’est de voir comme les eudistes ont vraiment accepté rapidement l’idée de cette messe et l’accompagnent au plus près. A chaque célébration c’est vraiment un visage de la communauté eudiste qui est présenté puisque P. Jules est toujours accompagné soit de P. Alvaro Torres, soit de P. Gustavo Londono. Cela signifie bien que “Eudistes” est un nom et une réalité qui s’écrit et se vit au pluriel, en communauté. La prochaine messe, sera présidée par P. Laurent Tournier, provincial de France venu donner un cours au TEPE. Et nous accueillerons même P. Luc Lalire, spécialiste de l’Amérique Latine auprès de la Conférence des Evêques de France et qui a été l’un de mes formateurs lors de la préparation au départ en VIE avec la DCC (Délégation pour la Coopération Catholique). Il a entendu parler de cette messe et souhaite voir ce que c’est !
Ma joie comme associée c’est de relire l’histoire de cette messe et d’y voir tant de fluidité que cela ne peut qu’être le reflet d’une obéissance à la volonté de Dieu.
Ma joie, comme associée et comme employée à la Pastorale de Saint Jean Hulst, l’établissement eudiste de Versailles, c’est de rencontrer ici à Bogota un certain nombre d’anciens élèves ou de parents d’élèves et de savoir que je peux servir de trait d’union pour leur permettre de croiser de nouveau la route des eudistes.
Ma joie comme associée c’est de voir dans cette aventure une forme d’interprovincialité naturellement en acte ! une communauté française et une associée de la Province de France sensible à la question de la pratique des 18-45 ans, un prêtre eudiste de la Province d’Afrique et les séminaristes de France et d’Afrique en attente du TEPE, des célébrations dans la chapelle du séminaire de la Province de Colombie et accompagnée par les pères de cette Province. Sans la Province de Colombie, son accueil si fraternel et tous les services qu’elle nous rend cette messe ne serait pas ce qu’elle est. Et en même temps, cette messe n’est d’aucune province et de plusieurs à la fois ! Dans la Province du Minuto de Dios, mon lieu d’insertion pour le VIE, j’ai eu l’occasion d’en parler à des pères qui parlent français et qui pourraient prêcher dans cette langue. Ils m’ont encouragée dans l’initiative et je pense qu’ils accepteraient avec plaisir de célébrer un jour pour la communauté française, francophone, de Bogota.
Pour aller plus loin, et suivre la proposition jubilaire de notre Pape François, le 14 février prochain, nous inviterons la communauté française à un temps de réflexion sur « La miséricorde dans la vie de saint Jean Eudes et pour les eudistes aujourd’hui ». Nous préparerons ainsi la célébration pénitentielle du 5 mars pour les enfants du KT mais aussi ouverte aux parents.
A ce jour ce sont quatre messes qui ont eu lieu. Autant dire que nous en sommes encore au début. Pourtant il est déjà urgent de préparer l’avenir ! Je ne crois pas qu’il faille penser devenir “paroisse” française car la vie des expatriés fait qu’à Noël et à Pâques, périodes de vacances, ils rentrent en France ou, de toutes façons, quittent Bogota. Le 14 février nous en dira plus sur les attentes spirituelles plus poussées de cette communauté mais déjà nous savons que la formule d’une messe par mois, hors vacances, et hors week-ends de ponts est bonne. Nous savons aussi que P. Jules Amagnon rejoindra l’Afrique en juin alors ma préoccupation, aujourd’hui, c’est de savoir quels eudistes accepteront de se lancer pour dire la messe en français, une fois par mois, à Bogota, dans les années à venir sachant que l’ambassade de France annonce que la communauté française en Colombie va croissant donc potentiellement aussi le nombre de pratiquants français à Bogota ? Une autre préoccupation dont la réponse ne peut reposer que sur la confiance est celle du renouvellement de la communauté car par nature les expatriés repartent tous les deux à trois ans. Si, comme je le crois le Seigneur est celui qui suscite cette communauté alors, il saura lui offrir les talents dont elle a besoin pour continuer de s’épanouir sous le regard bienveillant, formateur et évangélisateur de la belle Congrégation de Jésus et Marie.
Aude Bauguin, associée des eudistes, en volontariat à Bogota